
Fortuna
Fortuna, déesse romaine du hasard, de la chance et de la destinée, est une figure complexe et centrale dans la religion et la culture romaines. Voici une exploration plus approfondie :
Origines et identité
Fortuna tire ses origines de croyances italiques anciennes, mais elle s’inspire fortement de la Tyché grecque, déesse du hasard et de la fortune. Son nom dérive du latin fors (chance) ou ferre (porter), suggérant qu’elle « apporte » le destin. À Rome, elle était vénérée sous de multiples épithètes, reflétant ses divers aspects :
- Fortuna Primigenia : la « première-née », associée à la fertilité et à la fondation.
- Fortuna Publica : protectrice de la chance de l’État romain.
- Fortuna Virilis : garante de la chance des hommes ou de la virilité.
- Fortuna Redux : celle qui ramène sain et sauf, invoquée pour les voyageurs ou les empereurs de retour de campagnes.
Son rôle ambigu oscille entre une divinité bienveillante dispensant la prospérité et une force capricieuse, imprévisible, capable de renverser les puissants ou d’élever les humbles.
Symbolisme
Fortuna est souvent représentée avec des attributs spécifiques :
- La roue de la fortune (Rota Fortunae) : Symbole de l’instabilité du destin, elle tourne selon son caprice, élevant ou précipitant les mortels. Ce motif a perduré dans la culture médiévale et au-delà.
- La corne d’abondance : Représente la richesse et les bénédictions qu’elle peut accorder.
- Le gouvernail ou le globe : Signifie son contrôle sur le cours des événements.
- Les yeux bandés (parfois) : Dans certaines représentations tardives, elle est aveugle, soulignant l’impartialité ou l’arbitraire de la chance.
Ces images reflètent la dualité de Fortuna : elle est à la fois généreuse et imprévisible, une force que même les dieux ne contrôlent pas totalement.
Culte et pratiques
Le culte de Fortuna était répandu dans tout l’Empire romain, avec des sanctuaires majeurs :
- Préneste (aujourd’hui Palestrina) : Son temple de Fortuna Primigenia était un centre oraculaire important où l’on consultait des sorts (sortes) pour prédire l’avenir.
- Rome : Le temple de Fortuna Redux, dédié à Auguste, célébrait son retour sauf de campagnes militaires. Le temple de Fortuna Publica sur le Quirinal protégeait la destinée de l’État.
Les Romains l’invoquaient dans des contextes variés : les marchands pour la prospérité, les généraux pour la victoire, les citoyens ordinaires pour la chance quotidienne. Les fêtes en son honneur, comme celle du 24 juin, incluaient des offrandes, des prières et parfois des jeux. Les oracles de Fortuna, notamment à Préneste, utilisaient des tablettes divinatoires pour guider les décisions.
Fortuna dans la société romaine
Fortuna incarnait une vision romaine du monde où le destin (fatum) jouait un rôle clé, mais où la chance pouvait être influencée par la piété ou les rituels. Les empereurs, comme Auguste ou Domitien, se présentaient souvent comme favorisés par Fortuna, renforçant leur légitimité. Cependant, son caractère imprévisible rappelait aussi la fragilité du pouvoir, comme dans l’expression « Fortuna favet audaci » (la fortune favorise les audacieux).
Héritage culturel
L’influence de Fortuna s’étend bien au-delà de l’Antiquité :
- Littérature : Les poètes comme Ovide ou Juvénal évoquent sa roue pour méditer sur l’instabilité de la vie.
- Moyen Âge : La Rota Fortunae devient un motif chrétien, illustrant la vanité des ambitions terrestres, notamment dans l’œuvre de Boèce (Consolation de la Philosophie).
- Époque moderne : L’idée de « Dame Fortune » persiste dans l’art, la littérature et même les jeux de hasard, où la roue reste un symbole universel.