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Junon Sospita

Junon Sospita, dans la mythologie romaine, est une facette de la déesse Junon, connue comme la protectrice et la sauveuse, particulièrement vénérée à Lanuvium, une ville du Latium au sud-est de Rome. Son nom, Sospita, signifie « celle qui sauve » ou « la salvatrice », soulignant son rôle de défenseuse, notamment dans les contextes de guerre, de fertilité et de protection des femmes.

Attributs et représentation

Junon Sospita est souvent représentée en guerrière, portant une peau de chèvre (parfois avec des cornes), une lance et un bouclier, symbolisant son aspect martial. Elle est également associée à un serpent, particulièrement dans son sanctuaire de Lanuvium, où un rituel annuel voyait une jeune fille offrir des gâteaux à un serpent sacré. Si le serpent acceptait l’offrande, cela était interprété comme un signe de pureté et de prospérité pour l’année à venir ; sinon, cela présageait stérilité et malheur.

 

Ses attributs incluent également des éléments liés à la fertilité et à la protection des femmes, notamment pendant l’accouchement, où elle était invoquée pour assurer une délivrance heureuse. Elle est parfois représentée avec une grenade, symbole de l’amour conjugal, ou un paon, son oiseau sacré.

Rôle et culte

Junon Sospita incarnait une triple fonction, souvent interprétée à travers la théorie trifonctionnelle de Georges Dumézil :

  • Guerrière : Protectrice de la cité et de l’État romain, invoquée pour la défense contre les ennemis. Elle était honorée par les consuls romains, qui offraient des sacrifices avant de prendre leurs fonctions.
     
  • Mère : Associée à la fécondité et à la protection des femmes, particulièrement pendant la grossesse et l’accouchement. Elle était invoquée pour aider les femmes en couches et protéger les nouveau-nés.
     
  • Reine : En tant que Mater Regina (« Mère Reine »), elle symbolisait la souveraineté et l’autorité divine, souvent assimilée à la déesse étrusque Uni.

Son culte était particulièrement important à Lanuvium, où son sanctuaire était un centre religieux majeur, si riche que l’empereur Octavien y emprunta des fonds en 31 av. J.-C. Après la soumission de la Ligue latine en 338 av. J.-C., les Romains exigèrent un condominium sur le sanctuaire de Junon Sospita à Lanuvium, et les prodiges (phénomènes surnaturels) survenant dans son temple étaient rapportés à Rome pour y être expiés.

À Rome, plusieurs temples lui furent dédiés :

  • Un temple près de la colline du Palatin, célébrant son dies natalis (anniversaire) le 1er février, considéré comme un moment clé du mois de purification et de renouveau.
     
  • Un autre dans le Forum Holitorium, voué en 197 av. J.-C. par le consul C. Cornelius Cethegus et dédié en 194 av. J.-C., où elle était honorée en tenue militaire.
     
  • Ce temple, cependant, tomba en discrédit vers 90 av. J.-C., marqué par des scandales comme des actes de prostitution et la naissance de chiots sous sa statue, nécessitant une restauration ordonnée par le consul L. Iulius Caesar.
Junon Sospita. Musée du Vatican

Rituels et festivals

Le 1er février, jour des calendes, était dédié à Junon Sospita, marquant son rôle dans la purification et la transition vers le nouveau mois. Ce jour coïncidait avec des rituels liés à la fertilité et à la protection de l’État. Le festival des Lupercales, le 15 février, impliquait également Junon Sospita, souvent sous son aspect de Junon Lucina, pour des rites de purification et de fertilité.

À Lanuvium, son culte excluait les femmes de certains rituels, une pratique courante dans les cultes de divinités de la fertilité, et était associé à celui d’Hercule, autre divinité tutélaire.

Origines et influences

Le nom « Juno » dérive probablement de la racine latine iuvenis (jeunesse), suggérant une déesse de la vitalité et de la force. Bien qu’assimilée à la grecque Héra, Junon Sospita conserve une identité latine distincte, antérieure à l’influence hellénique. Son lien avec la déesse étrusque Uni est également notable, bien que certains chercheurs, comme ceux cités dans l’Encyclopædia Universalis, estiment que cette assimilation n’est pas systématique. Son culte à Lanuvium et son adoption à Rome après la conquête de Véies en 396 av. J.-C. (où la statue de Junon Regina fut transférée) témoignent de son importance dans l’intégration des divinités latines et étrusques dans la religion romaine.

Denier Serratus Roscia – Lucius Roscius Fabatus

Junon Sospita dans la culture

Contrairement à l’Héra vindicative de l’Énéide de Virgile, où Junon est dépeinte comme une antagoniste cherchant à contrecarrer Énée, Junon Sospita est représentée comme une protectrice stoïque et puissante de l’État romain. Une statue en marbre du IIe siècle ap. J.-C., conservée au Vatican, la montre en guerrière, tenant lance et bouclier, incarnant force et contrôle. Cette dualité reflète la complexité des divinités romaines, perçues avec des facettes humaines changeantes.

Conclusion

Junon Sospita est une divinité multifacette, à la fois guerrière, protectrice des femmes et garante de la souveraineté. Son culte, ancré dans les traditions latines et intégré à Rome, illustre son rôle central dans la religion romaine, mêlant défense de l’État, fertilité et royauté. Son iconographie martiale et ses rituels, comme celui du serpent de Lanuvium, en font une figure unique, distincte de son équivalent grec Héra, et profondément enracinée dans l’identité romaine.

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