
Scylla
Scylla (ou Scylle) est un personnage fascinant de la mythologie grecque, incarnant à la fois la terreur maritime et une tragédie personnelle. Voici une exploration plus approfondie de son mythe, de son contexte et de son symbolisme :
Description et rôle dans la mythologie
Dans l’Odyssée d’Homère (chant XII), Scylla est dépeinte comme un monstre marin résidant dans une grotte élevée sur une falaise abrupte d’un détroit étroit, souvent identifié comme le détroit de Messine entre l’Italie et la Sicile. Elle possède six têtes aux cous longs et sinueux, chacune munie de trois rangées de dents, et douze pattes (parfois décrites comme des tentacules ou des queues de serpent). À ses hanches, des têtes de chiens aboyants ajoutent à son aspect effrayant. Lorsqu’un navire passe trop près, chaque tête saisit un marin, le dévorant instantanément. En face, de l’autre côté du détroit, se trouve Charybdis, un tourbillon mortel qui aspire et recrache la mer trois fois par jour, menaçant d’engloutir les navires entiers.
Ulysse, conseillé par la sorcière Circé, choisit de naviguer plus près de Scylla, jugeant que perdre six hommes est préférable au risque de perdre tout l’équipage dans Charybdis. Malgré ses efforts pour protéger ses compagnons, Scylla arrache six d’entre eux, un moment poignant où Ulysse décrit leurs cris tandis qu’ils sont dévorés.
Origine et transformation
Les récits divergent sur les origines de Scylla :
- Version tragique (Ovide, Métamorphoses) : Scylla était une belle nymphe, convoitée par le dieu marin Glaucos. Celui-ci, éperdument amoureux, demanda à la sorcière Circé un philtre pour gagner son cœur. Mais Circé, amoureuse de Glaucos, empoisonna par jalousie l’eau où Scylla se baignait, la transformant en monstre. Scylla, horrifiée par sa nouvelle apparence, se réfugia dans le détroit, où sa rage se tourna contre les marins.
- Version alternative : Dans d’autres traditions, c’est Amphitrite, épouse de Poséidon, qui transforma Scylla, jalouse de l’attention que Poséidon lui portait.
- Origine divine : Certains textes, comme ceux d’Hésiode, suggèrent que Scylla était une créature monstrueuse dès sa naissance, fille de divinités marines comme Phorcys et Céto, ou parfois de Typhon et Échidna, la liant à d’autres monstres comme les Gorgones.
Symbolisme et interprétation
Scylla incarne plusieurs thèmes :
- Danger maritime : Avec Charybdis, elle symbolise les périls imprévisibles de la mer, un thème central dans la culture grecque, où la navigation était essentielle mais risquée.
- Choix impossible : L’expression « entre Scylla et Charybdis » (équivalent de « entre le marteau et l’enclume ») illustre un dilemme où toute décision entraîne une perte. Ce motif résonne dans la littérature et la philosophie.
- Métamorphose et tragédie : La transformation de Scylla, surtout dans la version d’Ovide, reflète le thème de la perte d’humanité par la jalousie ou la vengeance divine, un motif récurrent dans les mythes grecs (comme Arachné ou Méduse).
Représentations culturelles
- Dans l’art antique : Scylla apparaît sur des céramiques, mosaïques et sculptures grecques et romaines, souvent avec un torse de femme, des têtes de chiens à la taille et des tentacules ou queues en bas. Une célèbre mosaïque romaine la montre attaquant un navire.
- Dans la littérature : Outre Homère et Ovide, Virgile (Énéide) et d’autres poètes romains mentionnent Scylla. Elle inspire aussi des œuvres modernes, comme des poèmes ou des romans fantastiques.
- Culture populaire : Scylla apparaît dans des films, jeux vidéo (comme God of War) et séries, souvent comme un monstre marin générique, bien que parfois son passé de nymphe soit évoqué.
Scylla et Charybdis : une dualité
Le duo Scylla-Charybdis est unique par sa complémentarité. Scylla représente un danger actif et ciblé (elle choisit ses victimes), tandis que Charybdis est une force passive mais globale (elle engloutit tout). Ensemble, elles incarnent l’idée que la mer est un espace où l’homme est à la merci de forces incontrôlables, qu’elles soient précises ou chaotiques.