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Sibylle

Dans la mythologie grecque et romaine, une sibylle est une prophétesse inspirée par le dieu Apollon, dotée du don de divination. Contrairement à la Pythie de Delphes, attachée à un sanctuaire et répondant aux questions posées, les sibylles sont des figures indépendantes, souvent itinérantes, qui délivrent des oracles énigmatiques, dits « sibyllins », à la première personne. Leur nom dérive du grec Sibylla (prophétesse), bien que l’étymologie reste incertaine.

Origines et caractéristiques

  • Les sibylles apparaissent dès le VIIIe siècle av. J.-C., originaires d’Asie Mineure (Pessinonte), initialement liées à la déesse Cybèle avant d’être associées à Apollon.
     
  • La première sibylle connue est Hérophile, souvent appelée sibylle d’Érythrée (Ionie). Elle aurait vécu au temps des Argonautes et de la guerre de Troie, livrant ses oracles en vers.
     
  • Les sibylles sont décrites comme des femmes d’âge mûr ou âgées, parfois dotées d’une longévité surnaturelle, comme la sibylle de Cumes, qui, selon Ovide, vécut mille ans après un vœu mal formulé auprès d’Apollon (demandant une vie aussi longue qu’une poignée de grains de sable, mais oubliant la jeunesse éternelle).
     
  • Leurs prophéties, souvent ambiguës, nécessitent une interprétation, d’où l’adjectif « sibyllin » pour désigner des propos obscurs ou mystérieux.

Les principales sibylles

Au Ier siècle av. J.-C., Varron recense dix sibylles, auxquelles s’ajoutent plus tard la sibylle agrippine et la sibylle européenne, portant leur nombre à douze pour correspondre aux apôtres dans l’iconographie chrétienne. Parmi les plus connues :

  • Sibylle de Cumes : La plus célèbre chez les Romains, située près de Naples. Elle guide Énée aux Enfers dans l’Énéide de Virgile et vend les Livres sibyllins à Tarquin le Superbe après en avoir brûlé six pour maintenir son prix. Ces livres, conservés au temple de Jupiter, étaient consultés en cas de crise.
     
  • Sibylle d’Érythrée (Hérophile) : Réputée pour ses oracles en vers, parfois confondue avec celle de Cumes.
     
  • Sibylle tiburtine (Albunéa) : Associée à Tibur (Tivoli), son temple est encore visible.
     
  • Sibylle hellespontine : Née près de Troie, ses oracles étaient conservés au temple d’Apollon à Gergis.
     
  • Sibylle delphique : Active avant la guerre de Troie, distincte de la Pythie.
     
  • Sibylle libyque : Prêtresse de Zeus-Amon à l’oasis de Siwa, consultée par Alexandre le Grand.
     
  • Autres : Sibylles phrygienne, persique, cimmérienne, samienne, etc., reflétant la diffusion du mythe à travers la Méditerranée.
La Sibylle de Cumes, peinture florentine d'Andrea del Castagno (1419-1457) de la villa Carducci transférée aux Offices.

Importance culturelle

  • Dans l’Antiquité : Les sibylles incarnent une sagesse divine, rivalisant avec la Pythie. Leur mythe s’étend de la Grèce à Rome, où les Livres sibyllins deviennent des textes sacrés.
     
  • Dans le christianisme : Les sibylles sont intégrées à l’iconographie chrétienne dès le Moyen Âge, perçues comme des prophétesses païennes ayant annoncé la venue du Christ (notamment via la quatrième Églogue de Virgile, interprétée comme une prophétie messianique). Elles apparaissent dans des œuvres comme les fresques de Michel-Ange à la chapelle Sixtine (sibylles de Cumes, Érythrée, Delphique, etc.) ou celles de Raphaël à Santa Maria della Pace.
     
  • Littérature et art : Les sibylles inspirent des œuvres littéraires (Virgile, Ovide, Dante) et artistiques (peintures, sculptures), symbolisant la connexion entre le divin et l’humain. Leur vieillesse, notamment celle de la sibylle de Cumes, devient un motif narratif exploré dans des textes médiévaux et modernes, comme The Waste Land de T.S. Eliot.

Anecdote célèbre

La sibylle de Cumes propose neuf livres prophétiques à Tarquin le Superbe. Devant son refus face au prix exorbitant, elle en brûle trois, puis trois autres, maintenant le même prix. Tarquin achète finalement les trois derniers, qui deviennent les Livres sibyllins de Rome, consultés jusqu’à leur destruction partielle au Ier siècle av. J.-C.

Denier Manlia – Lucius Manlius Torquatus

Conclusion

Les sibylles, figures mythiques à la croisée de la religion, de la littérature et de l’art, incarnent la voix prophétique de l’Antiquité. Leur héritage perdure dans la culture occidentale, notamment grâce à leur intégration dans le christianisme et leur représentation dans des chefs-d’œuvre artistiques. Leur parole « sibylline » reste synonyme de mystère et d’ambiguïté.

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