
1131CO – Denier Cornelia – Cneius Cornelius Sisena
Avers : SISENA / ROMA
Tête casquée de Rome à droite, marque de valeur X sous le menton.
Revers : CN·CORNEL·L·F (Cnaeus Cornelius Lucii Filius)
Jupiter dans un quadrige galopant à droite, tenant un sceptre et les rênes de la main gauche et brandissant un foudre de la main droite; au-dessus, tête radiée de Sol à gauche et croissant de lune; monstre anguipède, géant (Typhon) sous le quadrige, transpercé par un foudre.
INDICE DE RARETE : 10
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10+
ATELIER : Rome
Datation : 118-107 avant J.C.
Matière : Argent
Gens : Cornelia
Références : RRC 310/1 – B.17 (Cornelia) – Syd.542
👤 Le Monétaire : Cn. Cornelius Sisenna
Nom Complet sur la monnaie : CN·CORNEL·L·F SISENA
C’est l’abréviation de Cneius Cornelius Lucii Filius Sisenna (Cneius Cornelius Sisenna, fils de Lucius).
Fonction : Monetalis (Magistrat monétaire), l’un des trois responsables de la frappe des monnaies à Rome.
Période d’activité : Il a frappé cette monnaie entre 118 et 107 av. J.-C.
Distinction : On le distingue d’un autre Cn. Cornelius Sisenna qui fut préteur vers 119 av. J.-C. Les historiens pensent qu’il s’agit de deux personnes différentes.
🏛️ La Gens Cornelia
Le monétaire appartient à la célèbre Gens Cornelia, l’une des familles patriciennes (et plus tard plébéiennes) les plus importantes et les plus puissantes de l’histoire de la République romaine.
Importance de la famille : Les Cornelii ont fourni plus de magistrats (consuls, censeurs, etc.) que toute autre gens à Rome, et ils comptent des figures majeures comme Scipion l’Africain et Sylla.
🎨 Le Message de la Monnaie
Ce denier est particulièrement éloquent en matière de propagande familiale.
Vénération de Jupiter : La représentation au revers de Jupiter dans son quadrige, lançant la foudre sur un Géant anguipède (serpent-jambes) fait allusion à la Gigantomachie. Cette scène de victoire des dieux sur les Géants peut être interprétée de deux manières :
Lien familial : Elle pourrait souligner un lien spirituel particulier ou une dévotion spéciale de la Gens Cornelia envers Jupiter, le roi des dieux, dont les membres affirmaient souvent descendre ou être sous sa protection.
Gloire passée : Certains y voient une allusion à la victoire de Scipion l’Africain sur Antiochus III le Grand à Magnésie en 190 av. J.-C.
En résumé, ce denier est un exemple frappant de la façon dont les monétaires de la République romaine utilisaient la monnaie pour faire la publicité de l’histoire, des mythes et des gloires de leur propre famille.
La scène du combat contre le Géant anguipède au revers de ce denier est une référence directe à la Gigantomachie et porte une signification complexe pour la République romaine et la famille Cornelia.
⚡ La Scène : Jupiter Foudroyant le Géant
Le revers représente :
Jupiter (Zeus), le dieu suprême de Rome, dans son quadrige.
Il brandit le foudre, son arme la plus puissante, signe de sa souveraineté.
Sous le quadrige, un Géant anguipède (créature mythologique dont le corps se termine par des queues de serpent au lieu de jambes) est frappé ou sur le point de l’être.
💡 Le Symbolisme de la Gigantomachie
La Gigantomachie (la bataille entre les dieux de l’Olympe et les Géants) est un mythe puissant qui symbolise le triomphe de l’ordre cosmique sur le chaos.
Le Triomphe de l’Ordre et de la Civilisation :
Le combat représente la victoire des forces divines et civilisées (les dieux) contre les forces brutes et primordiales (les Géants, nés de la Terre).
Pour Rome : Ce thème est souvent utilisé pour illustrer la victoire de Rome (l’ordre) sur ses ennemis barbares et chaotiques (le désordre).
L’Affirmation de la Gens Cornelia :
Le choix de ce type par le monétaire, Cn. Cornelius Sisenna, n’est pas anodin. Il sert de propagande familiale.
La Gens Cornelia revendiquait une relation privilégiée avec Jupiter, et la représentation du dieu suprême en pleine action renforce l’idée que la famille est sous sa protection ou qu’elle est elle-même une force d’ordre.
Une Possible Allusion Historique (L’hypothèse de la Victoire) :
Certains numismates, dont Ernest Babelon, suggèrent que ce type pourrait être une référence à un triomphe militaire spécifique, souvent celui de Scipion l’Asiatique sur Antiochus III le Grand lors de la bataille de Magnésie du Sipyle en 190 av. J.-C.
Cette victoire a consolidé la domination romaine en Asie Mineure, et son symbolisme (la victoire de la République sur un « géant » oriental) est très pertinent pour la famille de Cn. Cornelius Sisenna.
🌟 Autres Éléments Symboliques
Notez également les autres éléments de la scène, qui complètent le symbolisme cosmique :
Sol (Soleil) et Crescent (Lune) : Ces deux éléments au-dessus de la scène soulignent que le triomphe de Jupiter (et, par extension, de Rome/la Gens Cornelia) est un événement cosmique et éternel, s’étendant sur le jour et la nuit.
Les Étoiles : Elles renforcent l’aspect céleste et le caractère divin de la victoire.
En bref, en frappant cette monnaie, Cn. Cornelius Sisenna a immortalisé un mythe puissant pour lier l’histoire de sa famille au rôle de Rome comme puissance garante de l’ordre mondial, sous l’égide de Jupiter.
Extrait de Description historique et chronologique des monnaies de la République romaine d’Ernest Babelon
Cn. Cornelius L. f. Sisenna. Monétaire vers l’an 619 (135 av. J.-C.)
Les Cornelii Sisenna sont fréquemment cités dans les textes. On connait notamment P. Cornelius Sisenna, préteur urbain en 571 (183 av. J.-C.) et L. Cornclius Sisenna, annaliste romain du second siècle avant notre ère. Mais nulle part on ne trouve mentionné un Cn. Cornelius Sisenna, nom de notre monétaire, ni même son père qui s’appelait, suivant les médailles, Lucius Sisenna. Cn. Cornelius Sisenna fit partie du même collège monétaire que A. Manlius Q. f. Sergia et M. Tullius : les deniers de ces trois personnages ont entre eux une analogie frappante. Le revers du denier de Cn. Sisenna qui représente Jupiter foudroyant un géant anguipède est fort intéressant et difficile à interpréter. Rappelons d’abord que le monstre est représenté sous une forme à peu près identique à celle du géant Valens sur un denier de L. Valerius Acisculus, frappé vers l’an 507 (47 av. J.-C.). Sur la pièce de Cn. Cornelius Sisenna, Cavedoni pense avec raison qu’il faut voir sous les traits de Jupiter, L. Cornelius Scipio Asiagenus triomphant d’Antiochus le Grand, roi de Syrie, à Magnésie et au mont Sipyle en 564 (190 av. J.-C.). Antiochus est figuré sous l’aspect du géant Typhoeus ou Typhon que la mythologie grecque nous représente comme ayant lutté contre les dieux jusqu’au jour où il fut foudroyé par Zeus. Cet épisode de la Gigantomachie, représenté sur un grand nombre de monuments grecs, a été recueilli par les Romains, et on le voit figuré au revers de monnaies de l’époque impériale pour symboliser des victoires et des triomphes comme celui dont il s’agit ici. Nous ne citerons qu ‘un médaillon de bronze d’Antonin le Pieux , des monnaies d’or et d’argent de Dioclétien , de Maximien Hercule et d’autres encore sur lesquelles Jupiter porte le nom de IOVI FVLGVRATORI. Rappelons encore que cette représentation de Jupiter foudroyant Typhon figure sur des monuments trouvés en Gaule, notamment à Cussy (Côte-d’Or) à cinq lieues d’Autun, à Merten, près de Metz, à Portieux (Vosges) et dans nombre de localités des deux versants des Vosges. Overbeck et Preller ont particulièrement étudié les monuments archéologiques et numismatiques qui se rapportent à la lutte de Zeus et du géant Typhon.
Lieux de découverte (5 exemplaires)