
Salus
Salus, déesse romaine de la santé, de la sécurité et du bien-être, occupait une place centrale dans la religion et la société romaine. Son nom, dérivé du latin salus (« santé », « salut », « sécurité »), reflète son rôle englobant à la fois la prospérité individuelle et collective. Elle était une divinité protectrice, invoquée pour préserver les citoyens romains et l’État face aux maladies, aux guerres ou aux crises.
1. Rôle et signification
Salus était bien plus qu’une simple déesse de la santé physique. Son domaine englobait :
- La santé individuelle : Protection contre les maladies et promotion de la vitalité.
- Le bien-être public (Salus Publica) : Garantie de la stabilité, de la prospérité et de la sécurité de Rome, en particulier en temps de crise.
- La sauvegarde de l’État : Elle était associée à la pérennité de l’Empire romain, incarnant l’idée que la santé du peuple et celle de l’État étaient indissociables.
Cette dualité entre le privé et le public faisait de Salus une divinité particulièrement importante dans une société où la religion était intimement liée à la politique. Elle était souvent invoquée par les magistrats, les généraux et les empereurs pour légitimer leur pouvoir en affirmant qu’ils agissaient pour le bien commun.
2. Iconographie et symboles
Dans l’art romain, Salus était représentée avec des attributs spécifiques qui soulignaient son rôle de guérisseuse et de protectrice :
- Le serpent : Symbole universel de régénération et de guérison, elle était souvent montrée nourrissant un serpent enroulé autour d’un autel ou tenant un bol d’où il buvait. Cette imagerie rappelle celle d’Hygieia, la déesse grecque de la santé.
- La patère : Un plat rituel utilisé pour les libations, symbolisant les offrandes aux dieux.
- Le sceptre ou une couronne : Signes de son autorité divine sur la santé et la prospérité.
- Une posture sereine : Les statues de Salus la montrent souvent assise ou debout, dégageant calme et bienveillance, incarnant la stabilité qu’elle apportait.
Ces représentations étaient courantes sur les pièces de monnaie romaines, où Salus apparaissait pour célébrer des victoires militaires ou des périodes de paix et de prospérité. Par exemple, sous les empereurs, son image était utilisée pour promouvoir l’idée que le règne garantissait la Salus Populi Romani (la santé du peuple romain).
3. Culte et pratiques religieuses
Le culte de Salus était profondément ancré dans la vie romaine, avec des rituels publics et privés :
- Temples : Le temple principal de Salus se trouvait sur la colline du Quirinal à Rome, construit vers 302 av. J.-C. après une épidémie ou une crise, selon la tradition. Ce temple servait de lieu de rassemblement pour les prières et les offrandes.
- Festivals : Les Salutaria, célébrations en l’honneur de Salus, incluaient des sacrifices d’animaux, des libations et des prières pour la santé publique. Ces événements étaient souvent organisés par des magistrats ou des prêtres au nom de l’État.
- Vœux publics : Les dirigeants romains faisaient des vœux à Salus pour la protection de l’État, souvent en lien avec des campagnes militaires ou des périodes de peste.
- Culte impérial : Sous l’Empire, Salus fut associée à la santé de l’empereur (Salus Augusti). Sa vénération renforçait le lien entre le bien-être de l’empereur et celui de l’État, une idée centrale dans la propagande impériale.
4. Liens avec d’autres divinités
Salus partageait des traits avec plusieurs divinités, ce qui montre l’influence des cultures grecque et étrusque sur la religion romaine :
- Hygieia : La déesse grecque de la santé, fille d’Asclépios, était presque identique à Salus dans son rôle et son iconographie. L’influence grecque sur Rome, surtout après le IIe siècle av. J.-C., renforça cette assimilation.
- Asclépios : Le dieu grec de la médecine, dont le culte fut importé à Rome sous le nom d’Esculape. Salus était parfois vue comme sa compagne ou sa fille dans les contextes romains.
- Sancus : Une divinité romaine associée à la loyauté, aux serments et à la confiance. Certains textes suggèrent une connexion entre Salus et Sancus, peut-être en raison de leur rôle commun dans la stabilité sociale.
- Fortuna : Comme déesse de la chance et de la prospérité, Fortuna partageait avec Salus l’idée de protection divine sur le destin des individus et de l’État.
5. Importance culturelle et historique
Salus reflétait les préoccupations fondamentales des Romains : la survie face aux épidémies, la victoire dans les guerres, et la stabilité politique. Son culte était particulièrement sollicité lors :
- Des épidémies : Rome, comme d’autres sociétés antiques, était vulnérable aux maladies. Salus était invoquée pour protéger la population.
- Des guerres : Les généraux priaient Salus pour la sécurité des soldats et la victoire, associant la santé physique à la force militaire.
- Des transitions politiques : Les empereurs utilisaient le culte de Salus pour renforcer leur légitimité, en se présentant comme garants de la Salus Publica.
Sous l’Empire, l’image de Salus devint un outil de propagande. Par exemple, des empereurs comme Néron, Vespasien ou Trajan firent frapper des monnaies à son effigie pour célébrer leur rôle dans la restauration de la paix ou de la prospérité après des crises.
6. Héritage
Avec l’avènement du christianisme, le culte de Salus déclina, mais son concept de « salut » influença le vocabulaire religieux chrétien. Le mot latin salus fut repris dans des contextes chrétiens pour désigner le salut spirituel, montrant une transition entre les croyances païennes et chrétiennes.
Dans la culture moderne, l’héritage de Salus se retrouve dans des termes comme « santé » (dérivé de salus) et dans l’association persistante des serpents avec la médecine, comme dans le caducée ou le bâton d’Asclépios.
Salus était une divinité polyvalente, incarnant la santé, la sécurité et la prospérité dans une société romaine où ces valeurs étaient essentielles. Son culte, à la croisée des sphères religieuse, politique et sociale, illustre l’importance accordée à l’harmonie entre l’individu et la communauté.