
Pietas
Dans la mythologie romaine, Pietas est une divinité et une vertu cardinale incarnant le sens du devoir, de la loyauté, de la piété et de la dévotion envers les dieux, la famille, les ancêtres et la patrie. Elle symbolise l’engagement moral à respecter ses obligations, qu’elles soient religieuses, familiales ou civiques, et occupe une place centrale dans la culture romaine, où elle est perçue comme une valeur fondamentale de la mos maiorum (les coutumes des ancêtres).
Représentation et symbolisme
Pietas est souvent représentée sous les traits d’une femme voilée, signe de modestie et de respect, tenant une patère (coupe utilisée pour les libations) ou un encensoir, en train d’accomplir un sacrifice. Dans certains cas, elle est accompagnée d’une cigogne, symbole de piété filiale, car cet oiseau était réputé prendre soin de ses parents âgés. Sur les monnaies romaines, Pietas apparaît fréquemment, notamment sous les empereurs, pour souligner la légitimité et la moralité du pouvoir impérial. Par exemple, des pièces frappées sous Auguste ou Antonin le Pieux associaient l’empereur à cette vertu pour renforcer leur image de dirigeants justes et dévoués.
Rôle dans la mythologie et la littérature
Pietas est particulièrement associée à Énée, le héros troyen de l’Énéide de Virgile. Énée est surnommé pius Aeneas (Énée le pieux) en raison de son dévouement exemplaire : il porte son père Anchise sur ses épaules pour le sauver de Troie en flammes, protège son fils Ascagne, et suit scrupuleusement les volontés des dieux pour fonder une nouvelle patrie en Italie. Ce portrait fait d’Énée l’archétype du Romain idéal, guidé par la Pietas.
Dans d’autres récits, Pietas est parfois invoquée comme une force divine qui guide les actions des héros ou des citoyens. Elle est également liée à des figures féminines, comme les Vestales, dont la chasteté et le dévouement au culte de Vesta étaient des manifestations de cette vertu.
Culte et temples
Le culte de Pietas était bien établi à Rome. Un Temple de Pietas fut construit sur le Forum Holitorium (marché aux légumes) vers 181 av. J.-C., après un vœu du consul Manius Acilius Glabrio suite à une victoire militaire. Ce temple, dédié à la déesse, servait de lieu de culte public et renforçait l’idée que la piété garantissait la faveur divine pour Rome. Une autre manifestation du culte était le Ara Pietatis (Autel de la Piété), érigé sous l’empereur Claude, qui mettait en avant la piété impériale.
Pietas était également célébrée lors de cérémonies familiales, comme les funérailles ou les rituels en l’honneur des di parentes (esprits des ancêtres), où les Romains exprimaient leur respect pour les générations passées.
Différence avec la mythologie grecque
Contrairement à la mythologie grecque, où la piété (eusebeia) est plus centrée sur la dévotion religieuse envers les dieux, la Pietas romaine englobe une dimension plus large, incluant les devoirs sociaux et politiques. Par exemple, un général romain faisant un sacrifice avant une bataille ou un citoyen honorant ses parents âgés incarnait la Pietas. Cette vertu reflète l’idéal romain d’une société ordonnée, où chaque individu contribue à l’harmonie collective par ses actions responsables.
Pietas dans la politique romaine
Sous l’Empire, Pietas devint un outil de propagande. Les empereurs se présentaient comme des incarnations vivantes de cette vertu pour légitimer leur autorité. Par exemple, la piété d’Auguste envers les dieux et sa restauration des temples renforçaient son image de restaurateur des valeurs traditionnelles. De même, des impératrices comme Livia ou Faustine étaient parfois associées à Pietas pour souligner leur rôle dans la stabilité de la dynastie.
Anecdotes et récits
Une légende célèbre liée à Pietas concerne une femme romaine emprisonnée, nourrie en secret par sa fille qui l’allaitait pour la maintenir en vie. Cette histoire, rapportée par des auteurs comme Valère Maxime, illustre la piété filiale et fut utilisée comme un exemple moral pour les Romains. Ce récit inspira même des œuvres d’art, notamment dans la peinture européenne des siècles plus tard.
Pietas est bien plus qu’une simple divinité : elle est l’incarnation d’un idéal romain qui lie l’individu à sa communauté, à ses ancêtres et aux dieux. À travers son culte, ses représentations et son rôle dans la littérature, elle reflète les valeurs de discipline, de respect et de responsabilité qui définissaient la société romaine.