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Proserpine

Proserpine, ou Perséphone dans la mythologie grecque, est une déesse complexe de la mythologie romaine, associée à la fois à la fertilité de la terre et au royaume des Enfers. Fille de Cérès (déesse de l’agriculture, des moissons et de la fertilité) et de Jupiter (roi des dieux), elle incarne le lien entre le monde des vivants et celui des morts, ainsi que le cycle éternel des saisons. Son mythe principal, celui de son enlèvement par Pluton (Hadès), est l’un des récits les plus célèbres de la mythologie, riche en symbolisme et en significations culturelles.

Le mythe de l’enlèvement

D’après les sources romaines, comme Ovide dans les Métamorphoses (Livre V), Proserpine cueillait des fleurs dans un pré, souvent situé en Sicile (près d’Enna, un lieu sacré associé à Cérès), en compagnie de nymphes. Parmi les fleurs, le narcisse est parfois mentionné comme l’ayant attirée. Pluton, dieu des Enfers, émergea alors de la terre dans son char, frappé par la beauté de Proserpine, et l’enleva pour en faire sa reine. Ce rapt, parfois décrit comme violent, fut orchestré avec l’assentiment implicite de Jupiter, ce qui reflète les dynamiques patriarcales des récits mythologiques.

Cérès, ignorant où se trouvait sa fille, entra dans une profonde détresse. Sa quête désespérée la mena à parcourir le monde, négligeant son rôle de déesse des moissons. La terre devint stérile, les cultures dépérirent, et l’humanité souffrit de famine. Dans certaines versions, Cérès, furieuse, utilisa son pouvoir pour punir la terre jusqu’à ce que sa fille lui soit rendue. Elle apprit finalement la vérité grâce à Hélios (le Soleil, qui voit tout) ou à Hécate, déesse associée à la magie et aux carrefours.

L'enlèvement de Proserpine, Bosquet de la Colonnade à Versailles, bas-relief sculpté par François Girardon

Le compromis et les saisons

Jupiter, face à la crise, ordonna à Pluton de rendre Proserpine. Cependant, un obstacle survint : Proserpine avait mangé des graines de grenade dans les Enfers (le nombre varie selon les récits, souvent trois ou six). Dans la mythologie, consommer de la nourriture dans les Enfers liait une personne à ce royaume. En conséquence, un compromis fut établi : Proserpine passerait une partie de l’année (généralement un tiers, soit quatre mois, ou la moitié, selon les versions) avec Pluton dans les Enfers, et le reste avec sa mère Cérès sur terre.

Ce cycle explique les saisons dans la pensée antique :

  • Printemps et été : lorsque Proserpine est avec Cérès, la terre est fertile, les plantes prospèrent, et la vie s’épanouit.
  • Automne et hiver : lorsque Proserpine retourne aux Enfers, Cérès, en deuil, laisse la terre se flétrir, provoquant le froid et la stérilité.

Ce récit est une allégorie du cycle agricole, où la « mort » apparente de la nature en hiver précède sa renaissance au printemps.

Symbolisme et rôle culturel

Le mythe de Proserpine est riche en significations. Il symbolise :

  • Le cycle de la vie et de la mort : Proserpine, passant entre le monde des vivants et celui des morts, incarne la dualité de l’existence et la promesse de renouveau.
  • La fertilité et l’agriculture : son lien avec Cérès en fait une figure essentielle des cultes agraires.
  • Le mariage et la transition féminine : son passage de jeune fille (Kore, « la jeune fille » en grec) à reine des Enfers reflète les rites de passage dans les sociétés antiques, où le mariage marquait un changement de statut.

Dans la Rome antique, Proserpine était vénérée comme une déesse des Enfers, souvent aux côtés de Pluton (ou Dis Pater). Elle était parfois invoquée dans des contextes funéraires ou dans des rituels liés aux âmes des défunts. Son culte était moins répandu que celui de Cérès, mais elle jouait un rôle important dans les mystères religieux, notamment ceux d’Éleusis (adaptés à Rome), où les initiés cherchaient des vérités sur la vie après la mort.

Représentations littéraires et artistiques

Le mythe de Proserpine a inspiré de nombreuses œuvres :

  • Littérature : Ovide (Métamorphoses et Fastes) et Claudien (De Raptu Proserpinae) décrivent son enlèvement avec des détails poétiques. Ces textes mettent souvent l’accent sur la douleur de Cérès et la transformation de Proserpine en reine des Enfers.
  • Art : Dans l’art romain, Proserpine est représentée comme une jeune femme gracieuse ou une reine majestueuse, parfois avec des attributs comme la torche (symbole de Cérès ou des Enfers) ou la grenade. Des sculptures et des fresques, comme celles de Pompéi, illustrent son rapt ou son rôle aux Enfers.
  • Postérité : Le mythe a influencé l’art et la littérature européens, de la Renaissance (par exemple, le tableau L’Enlèvement de Proserpine de Bernini) au romantisme, où il symbolise la perte et le renouveau.

Variantes et interprétations

Certaines versions du mythe suggèrent que Proserpine, avec le temps, embrassa son rôle de reine des Enfers, devenant une figure puissante et respectée. Dans d’autres récits, elle reste une victime, arrachée à sa mère contre sa volonté. Ces variations reflètent des débats antiques sur le consentement, le pouvoir et la condition féminine.

Le nombre de mois passés aux Enfers varie : un tiers (quatre mois) dans certaines sources romaines, la moitié (six mois) dans les versions grecques. La grenade, symbole de fertilité mais aussi de lien irrévocable, est un élément clé, parfois interprété comme un acte de choix de Proserpine ou comme une ruse de Pluton.

Denier Cassia – Lucius Cassius Longinus

Importance religieuse

Dans les cultes romains, Proserpine était parfois associée à Libera, une déesse de la fertilité et du vin, dans le trio Cérès-Liber-Libera. Son lien avec les Enfers en faisait une figure invoquée dans les rituels liés à la mort et à l’au-delà. Les Mystères d’Éleusis, bien que grecs, influencèrent Rome et promettaient aux initiés une vie meilleure dans l’au-delà, en partie grâce au mythe de Proserpine, qui triomphe de la mort par son retour cyclique.

En résumé, Proserpine est bien plus qu’une victime dans son mythe : elle est une déesse de transition, de renouveau et de pouvoir, reliant le monde terrestre et souterrain. Son histoire, ancrée dans les cycles naturels et les préoccupations humaines, reste l’une des plus puissantes de la mythologie romaine.

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