
Quintus Labienus
Quintus Labienus Parthicus (mort en 39 av. J.-C.) fut un personnage clé de la fin de la République romaine, dont la carrière illustre les bouleversements politiques et militaires de cette période troublée. Fils de Titus Labienus, lieutenant renommé de Jules César durant la guerre des Gaules, Quintus hérita d’une tradition militaire prestigieuse, mais choisit une voie radicalement différente, marquée par une alliance inattendue avec les Parthes, ennemis traditionnels de Rome.
Contexte et débuts
Quintus grandit dans l’ombre de son père, Titus Labienus, qui fut l’un des principaux généraux de César avant de rejoindre Pompée lors de la guerre civile (49-45 av. J.-C.). Après l’assassinat de César en 44 av. J.-C., Quintus, fidèle à l’idéal républicain défendu par son père, rallia les « Libérateurs », Brutus et Cassius, qui s’opposaient au pouvoir croissant du Second Triumvirat (Marc Antoine, Octavien et Lépide). En 42 av. J.-C., Cassius envoya Quintus en mission diplomatique auprès du roi parthe Orodes II pour obtenir une alliance militaire contre le Triumvirat. Cependant, la cuisante défaite des républicains à la bataille de Philippes (42 av. J.-C.), où Brutus et Cassius périrent, laissa Quintus isolé en Parthie, sans possibilité de retour immédiat à Rome.
L’alliance avec les Parthes
Pendant son séjour en Parthie, Quintus forgea une relation stratégique avec Orodes II et son fils, le prince Pacorus Ier. En 40 av. J.-C., il saisit une opportunité unique : Marc Antoine, occupé par sa liaison avec Cléopâtre en Égypte, avait négligé la défense des provinces orientales. Quintus convainquit les Parthes de lancer une invasion des territoires romains, prenant la tête d’une armée composée de forces parthes et de déserteurs romains. Cette alliance était audacieuse, voire scandaleuse, pour un Romain, car les Parthes étaient considérés comme des barbares et des ennemis héréditaires depuis la défaite de Crassus à Carrhes en 53 av. J.-C.
La campagne de 40-39 av. J.-C.
Quintus mena une campagne fulgurante. Son armée envahit la Syrie, prenant des villes clés comme Antioche. Il poursuivit Lucius Decidius Saxa, le gouverneur nommé par Antoine, jusqu’en Cilicie, où il le défit et le fit exécuter. Poursuivant son offensive, Quintus s’empara de vastes régions de l’Asie Mineure (actuelle Turquie), y compris des cités prospères, bien que certaines, comme Stratonicea, résistèrent avec acharnement. Son succès reposait sur la rapidité de ses mouvements et la puissance de la cavalerie parthe, redoutable face aux légions romaines.
Pour asseoir son autorité, Quintus adopta le titre provocateur de « Parthicus », un cognomen traditionnellement réservé aux généraux romains triomphant d’un ennemi, ici ironique puisqu’il combattait aux côtés des Parthes. Il frappa également des monnaies à son effigie, mêlant symboles romains et parthes, pour payer ses troupes et affirmer son pouvoir. Ces actes témoignent de son ambition de se poser en chef indépendant, peut-être même en rival des triumvirs.
La contre-offensive romaine
La fortune de Quintus tourna en 39 av. J.-C. Marc Antoine, alerté par l’ampleur de l’invasion, dépêcha son meilleur général, Publius Ventidius Bassus, pour reprendre le contrôle. Ventidius, un tacticien expérimenté, exploita les faiblesses de l’armée parthe, notamment sa dépendance à la cavalerie, en attirant Quintus dans des terrains défavorables. Lors d’une bataille décisive, probablement en Cilicie ou en Syrie, Quintus fut vaincu et tué. Ventidius poursuivit sa campagne, écrasant les Parthes et restaurant l’autorité romaine en Syrie et en Judée.
Héritage et significance
La campagne de Quintus Labienus fut un épisode spectaculaire, mais éphémère, des guerres civiles romaines. Elle révéla la fragilité des provinces orientales face à une menace extérieure et la capacité des Parthes à exploiter les divisions internes de Rome. Cependant, elle échoua à renverser le Triumvirat ou à restaurer la République, objectif initial des Libérateurs. Quintus reste une figure controversée : pour certains, un traître ayant trahi Rome en s’alliant avec un ennemi étranger ; pour d’autres, un républicain pragmatique cherchant à poursuivre la lutte par tous les moyens.
Son alliance avec les Parthes préfigure d’autres collaborations romano-étrangères dans l’histoire, mais elle marqua aussi les esprits par son audace et son caractère exceptionnel. Après sa mort, les Romains, sous Antoine puis Auguste, renforcèrent leur contrôle sur l’Orient, tandis que les Parthes, bien que repoussés, restèrent une menace jusqu’à l’ère impériale.