
Vestale
1. Origine et rôle des vestales dans la Rome antique
Les vestales étaient des prêtresses consacrées à Vesta, la déesse romaine du foyer, de la famille et de l’État. Leur institution, selon la tradition, fut établie par le roi Numa Pompilius (717–673 av. J.-C.), le deuxième roi légendaire de Rome, pour garantir la protection divine de la cité. Elles incarnaient la pureté et la stabilité de Rome, leur rôle étant considéré comme vital pour la survie de l’État.
- Sélection : Les vestales étaient choisies entre 6 et 10 ans parmi les filles de familles patriciennes (l’élite romaine). Elles devaient être physiquement parfaites, sans défauts, et leurs parents devaient être vivants. Initialement au nombre de deux, elles passèrent à quatre, puis six sous les rois ou au début de la République.
- Durée du service : Leur engagement durait 30 ans, divisés en trois phases : 10 ans d’apprentissage, 10 ans de service actif, et 10 ans d’enseignement aux novices. Après leur service, elles pouvaient se marier, mais beaucoup choisissaient de rester célibataires, conservant leur statut prestigieux.
2. Devoirs et responsabilités
Les vestales avaient des tâches sacrées essentielles :
- Entretien du feu sacré : Dans le temple de Vesta, situé au cœur du Forum romain, elles veillaient sur le feu éternel, symbole de la pérennité de Rome. Si le feu s’éteignait, cela était vu comme un mauvais présage, et la responsable pouvait être fouettée par le Pontifex Maximus (grand prêtre).
- Rituels et sacrifices : Elles préparaient la mola salsa, un mélange de farine salée utilisé dans les sacrifices publics. Elles participaient aussi à des cérémonies comme les Vestalia (fêtes de Vesta, du 7 au 15 juin), où elles ouvraient le temple aux matrones romaines.
- Garde d’objets sacrés : Les vestales protégeaient des objets mystérieux, comme le Palladium (une statue de Pallas Athéna, censée garantir la sécurité de Rome), dont le contenu exact restait secret.
3. Vœu de chasteté et sanctions
Le vœu de chasteté était au cœur de leur fonction, car leur pureté était censée refléter la sainteté de Rome. Briser ce vœu était considéré comme une trahison contre l’État :
- Punition pour inconduite : Une vestale reconnue coupable d’avoir rompu son vœu était condamnée à être enterrée vivante dans une petite chambre souterraine avec un peu de nourriture et d’eau, une mort symbolique pour éviter de verser son sang directement. Son amant, s’il était identifié, était battu à mort.
- Exemples historiques : Des cas célèbres incluent Opimia et Floronia (en 216 av. J.-C.), exécutées après la défaite de Cannes, où leur « crime » fut parfois vu comme un bouc émissaire pour apaiser les dieux. Ces exécutions étaient rares mais spectaculaires.
4. Privilèges et statut social
Malgré leurs contraintes, les vestales jouissaient d’un statut exceptionnel pour des femmes dans une société patriarcale :
- Indépendance légale : Elles pouvaient gérer leurs biens sans tuteur, rédiger leur testament et témoigner en justice, des droits rares pour les femmes romaines.
- Honneurs publics : Elles avaient des places réservées dans les théâtres et les jeux, étaient escortées par des licteurs (gardes officiels) et pouvaient gracier un condamné à mort si elles le croisaient par hasard.
- Richesse : Leur service était rémunéré, et elles recevaient des dons, ce qui leur permettait d’accumuler une fortune personnelle.
5. Fin de l’institution
L’institution des vestales perdura pendant plus d’un millénaire, mais elle déclina avec l’essor du christianisme :
- En 382 apr. J.-C., l’empereur Gratien confisqua les revenus des vestales, et en 394 apr. J.-C., Théodose Ier interdit les cultes païens, mettant fin à leurs fonctions. La dernière grande vestale, Coelia Concordia, démissionna, marquant la fin officielle de l’ordre.
- Le temple de Vesta fut fermé, et le feu sacré éteint, symbolisant la transition de Rome vers le christianisme.
6. La vestale dans la culture et le langage moderne
- Usage figuré : En français, « vestale » est souvent utilisé de manière métaphorique pour désigner une femme d’une grande pureté, d’une chasteté irréprochable ou d’un dévouement absolu à une cause (par exemple, « une vestale de la science »). Cet usage peut être poétique ou ironique, selon le contexte.
- Dans les arts : Les vestales ont inspiré de nombreuses œuvres, comme l’opéra La Vestale de Gaspare Spontini (1807), des peintures romantiques, ou encore des références dans la littérature classique et moderne.
- Vestiges archéologiques : À Rome, la Maison des Vestales (Atrium Vestae) dans le Forum romain est un site bien préservé, avec des statues et des inscriptions honorant ces prêtresses.
7. Anecdotes et faits marquants
- Leur influence politique : Bien que théoriquement apolitiques, certaines vestales, comme Licinia (1er siècle av. J.-C.), furent impliquées dans des intrigues politiques, montrant leur poids dans la société.
- Cas de survie : Quelques vestales accusées de crimes furent acquittées grâce à des interventions divines supposées, comme Tuccia, qui prouva son innocence en portant de l’eau dans un tamis sans en renverser.
- Symbolisme : Leur feu sacré était si important qu’il était rallumé chaque 1er mars (nouvel an romain) avec des méthodes rituelles, comme le frottement de bois.