
Pax
- Origines et généalogie : Pax est une divinité abstraite, comme beaucoup de personnifications romaines (Concordia, Victoria, Libertas). Selon la tradition, elle est fille de Jupiter (dieu souverain) et de Iustitia (Justice), soulignant l’idée que la paix véritable repose sur l’ordre et la justice. Cette généalogie symbolique renforce son rôle dans l’idéologie romaine.
- Parallèles avec Eiréné : Dans la mythologie grecque, Eiréné, l’une des Heures (Horae), incarne la paix comme un état d’équilibre naturel et social. Contrairement à Pax, Eiréné est plus associée à la prospérité agricole et moins à la victoire militaire. Pax, en revanche, est profondément ancrée dans le contexte impérial romain, où la paix est un produit de la domination.
- Autres divinités similaires : Pax partage des traits avec Concordia (harmonie sociale) et Salus (santé, salut public). Ces divinités reflètent les valeurs romaines d’unité et de stabilité, mais Pax se distingue par son lien direct avec la fin des conflits.
Rôle politique et historique :
- Pax Romana : Sous Auguste (27 av. J.-C. – 14 ap. J.-C.), Pax devient un symbole central de la propagande impériale. La Pax Romana désigne une période de relative stabilité dans l’Empire romain, marquée par l’absence de guerres civiles majeures et l’expansion contrôlée. Cependant, cette « paix » est souvent imposée par la force, notamment via la soumission des provinces conquises.
- Ara Pacis Augustae : Cet autel, construit entre 13 et 9 av. J.-C., est une œuvre majeure de l’art augustéen. Il célèbre le retour d’Auguste d’Hispanie et de Gaule, présenté comme un triomphe pacifique. Les reliefs montrent Pax entourée de figures allégoriques (Tellus, la Terre nourricière, ou Roma), des scènes de fertilité, et la famille impériale, liant la paix à la dynastie julio-claudienne. L’autel est autant un monument religieux qu’un outil de propagande.
- Templum Pacis : Construit par Vespasien après la guerre civile de 69 ap. J.-C. et la prise de Jérusalem, ce temple abritait des trésors (comme ceux du Temple de Jérusalem) et symbolisait la restauration de l’ordre. Il incluait des jardins et une bibliothèque, associant la paix à la culture et à la prospérité.
- Monnaies et propagande : Dès -44 av. J.-C., Pax apparaît sur des pièces, souvent avec des attributs comme l’olivier ou la corne d’abondance. Sous Néron, Vespasien, et Trajan, elle est invoquée pour célébrer la fin des troubles ou des campagnes militaires. Par exemple, les pièces de Vespasien montrent Pax tenant une branche d’olivier avec l’inscription PAX AUGUSTA.
Culte et pratiques religieuses :
- Fêtes : Les principales célébrations de Pax ont lieu les 3 et 30 janvier, dates associées à des offrandes pour la paix de l’Empire, et le 4 juillet, lié à la consécration de l’Ara Pacis. Ces fêtes impliquaient des sacrifices (animaux, encens) et des processions.
- Prêtres et rituels : Bien que Pax n’ait pas de collège sacerdotal spécifique comme les Vestales, son culte était supervisé par les pontifes ou par l’empereur lui-même, qui agissait comme pontifex maximus. Les rituels mettaient l’accent sur la gratitude pour la paix et la prière pour sa continuité.
- Diffusion géographique : Le culte de Pax était surtout centré à Rome, mais des autels et statues dédiés à Pax existaient dans les provinces, notamment en Gaule, en Hispanie et en Afrique, où la paix romaine était célébrée comme un bienfait impérial.
Iconographie et symbolisme :
- Représentations : Pax est souvent une jeune femme drapée, tenant une branche d’olivier (symbole de paix), une corne d’abondance (abondance), ou un caducée (prospérité et commerce). Parfois, elle est assise, évoquant la stabilité, ou entourée d’enfants, symbolisant la fécondité.
- Art augustéen : Les reliefs de l’Ara Pacis montrent une figure féminine (souvent identifiée comme Pax ou Tellus) dans un cadre bucolique, avec des plantes, des animaux et des vents fertilisants. Cette imagerie lie la paix à la nature et à la fertilité.
- Évolution : Sous les Flaviens et les Antonins, Pax devient plus martiale, parfois représentée avec des trophées d’armes, reflétant la paix par la victoire militaire.
Perspective critique :
- Instrumentalisation politique : La glorification de Pax sous Auguste et ses successeurs masque une réalité plus complexe. La Pax Romana impliquait souvent l’oppression des peuples conquis et la répression des révoltes (par exemple, en Germanie ou en Judée). Pax était donc moins une divinité universelle qu’un outil idéologique pour légitimer le pouvoir impérial.
- Contraste avec Eiréné : Là où Eiréné incarne une paix idéale et cosmique dans la pensée grecque (notamment chez Hésiode ou Pindare), Pax est pragmatique, liée à l’ordre romain. Cette différence reflète les priorités romaines : la paix comme contrôle plutôt que comme harmonie.
- Héritage ambivalent : Si Pax a inspiré des notions modernes de paix, son association avec l’impérialisme romain rappelle que la « paix » peut être un euphémisme pour la domination. Les critiques modernes, notamment dans les études postcoloniales, soulignent cet aspect.
Héritage culturel :
- Christianisme : L’idée de Pax influence le concept de Pax Christi (paix du Christ), où la paix spirituelle remplace la paix impériale. Les premiers chrétiens, persécutés sous l’Empire, réinterprètent la paix comme une valeur divine indépendante du pouvoir terrestre.
- Art et littérature : Pax apparaît dans la poésie romaine, comme chez Virgile (Énéide), où la paix augustéenne est célébrée comme l’aboutissement de l’histoire romaine. Dans l’art, son iconographie influence les représentations médiévales et renaissantes de la paix.
- Diplomatie moderne : Le terme pax (comme dans Pax Americana ou Pax Britannica) tire son origine de la Pax Romana, bien que ces concepts s’éloignent de la divinité pour désigner une hégémonie politique.
Anecdotes et faits moins connus :
- Pax et les provinces : Dans certaines régions, comme l’Afrique proconsulaire, Pax était vénérée avec des divinités locales, créant un syncrétisme religieux où#-tified as Pax Augusta*.
- Pax et la guerre : Ironiquement, les empereurs invoquaient Pax après des victoires brutales, comme Vespasien après la destruction de Jérusalem en 70 ap. J.-C., montrant le paradoxe d’une paix imposée par la violence.
- Survivance : Des statues de Pax ont été retrouvées dans des sites archéologiques comme Ostie ou Pompéi, témoignant de sa popularité dans l’Empire.
Analyse moderne et sources :
- Sources antiques : Les références à Pax sont éparses mais incluent des inscriptions (CIL), des textes comme l’Histoire Auguste ou Suétone, et des œuvres littéraires (Virgile, Ovide). Les monnaies romaines sont une source clé pour son iconographie.
- Études modernes : Les travaux de Paul Zanker (The Power of Images in the Age of Augustus) et de Mary Beard sur l’Ara Pacis analysent le rôle de Pax dans la propagande. Les études postcoloniales (comme celles de Jane Webster) critiquent la Pax Romana comme une paix impérialiste.
- Web et X : Une recherche rapide sur X (21 avril 2025) ne montre pas de discussions récentes sur Pax, mais des posts sur la mythologie romaine mentionnent souvent l’Ara Pacis comme attraction touristique. Les sites comme le musée de l’Ara Pacis (museoarapacis.it) offrent des ressources visuelles.